Newsletter 6, septembre 2023
Interview de Catherine Barentin

Catherine Barentin est professeure à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et à l’Institut Lumière Matière. Catherine a été membre junior de l’Institut Universitaire de France (IUF) de 2013 à 2018.

. Quelle est votre formation et votre parcours scientifique ?

Après des études à l’ENS de Lyon au cours desquelles j’ai passé l’agrégation de physique puis le DEA de physique statistique, j’ai préparé une thèse de doctorat à l’Institut Charles Sadron (Strasbourg 1) sous la direction de Jean-François Joanny et Pierre Müller. Le sujet portait sur les propriétés statiques, dynamiques et rhéologiques de monocouches de polymères adsorbés à l’interface eau-air. Ces études qui ont mêlé expériences et théories analytiques ont permis en particulier de quantifier des viscosités de surface. Depuis, mes activités de recherche ont été consacrées à l’étude de la matière molle, de l’hydrodynamique et des interfaces. Je m’intéresse aux propriétés dynamiques de fluides complexes et au couplage entre les échelles microscopiques et les propriétés rhéologiques macroscopiques de ces fluides. J’étudie également l’influence des interfaces et du confinement sur les propriétés rhéologiques des fluides complexes. Parallèlement, je m’intéresse au glissement hydrodynamique induit par des surfaces complexes, hétérogènes et/ou superhydrophobes, lors d’écoulements de fluides simples.

. Comment ont évolué vos travaux entre expériences et théories ?

Un aspect singulier des études que j’ai menées a bénéficié des possibles allers-retours entre théories et expérimentations. J’ai toujours eu en effet la chance d’être dans un univers qui mêlait expérimentateurs et théoriciens. Cet univers a été accessible depuis mes travaux de thèse à l’Institut Charles Sadron en particulier grâce aux dialogues avec Jean-Marc di Meglio et Jean-François Joanny et la possibilité de se greffer sur un travail expérimental ou théorique. Les différentes collaborations qui ont suivi ont été toujours propices à ces allers-retours entre théories et expériences, même si mes études expérimentales ont pris plus d’importance au cours du temps.

. Quels sont les outils des sciences de la ‘matière molle’ que vous utilisez pour vos recherches passées et actuelles ?

Parmi les différents outils de la ‘matière molle’ que j’ai utilisés dans mes recherches j’en citerai un issu de la théorie, l’autre des procédés expérimentaux. J’ai pu bénéficier d’une formation très enrichissante sur les analyses dimensionnelles dès mes travaux de thèse. Du point de vue expérimental savoir moduler les propriétés physicochimiques des surfaces a été un atout à la fois pour étudier le glissement aux parois de fluides simples ou complexes, le mouillage de fluides à seuil au contact de surfaces lisses ou rugueuses ainsi que l’impact de fluides simples sur des surfaces super-hydrophobes. Ce dernier travail actuellement en cours est réalisé en collaboration avec Anne-Laure Biance.

. Quelles sont les propriétés applicatives de vos études ?

Les fluides complexes tels que les suspensions de microgels de polymères, émulsions, mousses interviennent dans pratiquement tous les domaines de la vie quotidienne, qu’il s’agisse de cosmétiques, de détergents, de produits pharmaceutiques ou agroalimentaires. Cependant un effort de recherche doit être mené afin de comprendre et de prédire les comportements de ces systèmes en particulier dans des applications spécifiques.

Actuellement j’ai deux thématiques en relation directe avec des applications industrielles.
. L’écoulement d’un fluide à seuil dans un micro-canal en laboratoire peut modéliser un écoulement dans les pores d’une roche (boues dans la nature, gels utilisés pour la fracturation hydraulique), ou bien dans un capillaire (industrie cosmétique, applications médicales). Parmi les caractéristiques spécifiques aux fluides à seuil dans cette situation, on trouve le glissement aux parois, qui est celle sur laquelle nous nous concentrons avec Marie Le Merrer. Bien que souvent peu significatif, le glissement s’observe aussi à l’échelle macroscopique. Ce travail s’applique en particulier à l’impression 3D des textiles. Lors de l’étape de coloration des textiles l’écoulement de fluides à seuil et les phénomènes d’extrusion doivent être contrôlés.
. Une seconde étude concerne le mouillage des fluides complexes et en particulier le cas des fluides à seuil pour lesquels nos intuitions sont mises à défaut. Nous travaillons en collaboration avec Saint-Gobain sur le collage des laines de verre, une situation pour laquelle un fluide complexe doit pénétrer dans une matrice. Une des complexités réside dans le fait que ce processus couple des matériaux hydrophobes (la laine de verre) et hydrophiles (le ciment).

. Nous vous savons convaincue que le GdR est d’une importance toute particulière dans la formation de jeunes chercheurs, doctorants et post-doctorants : de quelle(s) manière(s) ?

De manière générale ce que j’adore dans les GdR est qu’ils constituent l’échelle parfaite pour dialoguer au niveau du nombre de personnes impliquées. Ceci est particulièrement bénéfique pour les étudiants qui ont ainsi accès à un dialogue facilité avec d’autres chercheurs plus expérimentés de la communauté. Un GDR permet également de créer un véritable réseau pour les jeunes chercheurs qui va durer plusieurs années.