Newsletter 2, juin 2021. Travaux récents
Ligne triple et tensioactifs adsorbés

– à gauche (haut): représentation schématique de la ligne de contact lors du mouillage d’une surface de silice par de l’huile dans l’eau en présence de tensioactifs. (bas): vue de dessus d’une goutte d’huile pressée contre une surface de silice dans l’eau. Le cercle noir correspond à la zone mouillée par l’huile. Les franges d’interférences sont dues aux variations d’épaisseur du film d’eau entre la goutte et la silice.
à droite: Coefficient de frottement à la ligne de contact mesuré en fonction de la concentration en tensioactifs adsorbés sur la surface solide –

Dans les applications mettant en jeu des mélanges d’eau et d’huile dans des milieux poreux, il est nécessaire de comprendre comment la présence de tensioactifs modifie la dynamique d’une ligne triple. Afin de répondre à cette question, nous avons étudié les variations de la vitesse d’une ligne triple silice/huile/eau en pressant une goutte d’huile immergée dans l’eau contre une surface de silice ; les tensioactifs cationiques ajoutés à l’eau ont été choisis de façon à s’adsorber non seulement à l’interface eau/huile mais également à l’interface eau/silice. Nous avons observé que, lorsque l’huile mouille la silice, un bourrelet se forme dans le film d’eau, et se déplace à vitesse constante. Nous avons mis en évidence une décroissance de la vitesse de la ligne de contact de plus de trois ordres de grandeur au-dessus d’une concentration seuil en tensioactifs. En présence ou non de tensioactifs, la dynamique de la ligne de contact est bien décrite avec un terme de frottement, indépendamment des effets de dissipation visqueuse qui restent négligeables dans les conditions de l’expérience. Nous proposons également un modèle qui permet de décrire la sélection de la vitesse du bourrelet. Le coefficient de frottement à la ligne de contact augmente très fortement avec la concentration en tensioactifs avant de saturer, et nous montrons que ces variations résultent de la forte non-linéarité de l’isotherme d’adsorption du tensioactif sur la silice. Ce sont donc uniquement les tensioactifs adsorbés sur la surface solide, et non ceux adsorbés à l’interface eau/huile, qui sont responsables des fortes variations de la vitesse ! Enfin, en étudiant les variations simultanées du paramètre d’étalement et du coefficient de frottement avec la quantité de tensioactifs adsorbés à la surface, nous suggérons qu’une partie des tensioactifs reste piégée sous l’huile lors du mouillage et sont responsables de l’augmentation du coefficient de frottement. Ce travail a bénéficié d’échanges lors de la réunion du GdR à Roscoff et a fait l’objet d’une publication.

Dramatic Slowing Down of Oil/Water/Silica Contact Line Dynamics Driven by Cationic Surfactant Adsorption on the Solid
G. Rondepierre, F. De Soete, N. Passade-Boupat, F. Lequeux, L. Talini, L. Limat, E. Verneuil
Langmuir, vol.37 (5), p.1662-1673, 2021
https://doi.org/10.1021/acs.langmuir.0c02746