Newsletter 1, décembre 2020. Travaux récents
Emulsions Apolloniennes

– Cliché de microscopie optique d’une émulsion Apollonienne. En couleur : une tranche d’un empilement Apollonien simulé –

Nous avons étudié des émulsions huile/eau, à haut rapport de phase interne (HIPE), dans lesquelles les gouttes d’huile restent sphériques malgré une fraction volumique extrêmement élevée, φ = 0.95. Pour réaliser cet exploit, les gouttes forment naturellement un empilement Apollonien, cet arrangement de sphères prévu par Leibniz mais que nous voyons dans la réalité pour la première fois. La recette est pourtant simple : c’est une « mayonnaise », mais avec peu de tensioactif non-ionique, ce qui génère une distribution très polydisperse des rayons des gouttes ∼ adf -1. La dimension fractale, df ≈ 2.48, de l’interface huile/eau est reproductible et très proche de l’empilement Apollonien mathématique df = 2.474. Cette organisation spatiale est confirmée par diffusion de rayonnement X (SAXS), le facteur de structure expérimental étant remarquablement proche de celui d’un empilement Apollonien simulé. Le signal SAXS a aussi donné ce résultat étonnant que la surface totale des gouttes augmente avec le temps : la coalescence des gouttes n’est donc pas le seul processus pour générer l’empilement Apollonien. Le processus manquant est la fragmentation spontanée des gouttes, qui permet à l’émulsion de remplir les vides de façon optimale tout en minimisant l’énergie élastique du système. Grâce à la multitude de gouttes sphériques de toutes tailles, ces émulsions Apolloniennes s’écoulent comme un liquide visqueux Newtonien : un comportement auparavant inconnu dans les émulsions à φ > 0.6.

Apollonian packing in polydisperse emulsions
S. Kwok, R. Botet, L. Sharpnack, B. Cabane
Soft Matter, vol.16, p.2426-2430, 2020
https://doi.org/10.1039/C9SM01772K