Newsletter 7, février 2024
Atelier « diffusion de rayonnement »

Un atelier « SAXS-SANS » a été organisé les 26 et 27 septembre 2023, à Paris, pour les membres des GDR SLAMM et DUMBIO, sur trois demi-journées. Environ 55 personnes, en majorité étudiants en thèse et postdoctorants, débutants ou experts en diffusion de rayonnement, ont participé à cet atelier. Le programme incluait des cours introductifs sur la diffusion de rayonnement et sur le traitement des données, ainsi que des ateliers pratiques sur le traitement et la modélisation des données. L’atelier s’est achevé avec des retours des expérimentateurs et des discussions sur les interprétations de leurs résultats avec les plus experts.

Du fait de l’appréciation très positive de ces journées, elles seront enrichies cette année par une série de visioconférences centrées sur différents aspects de la diffusion de rayonnement, pratiques et plus théoriques.

 

Newsletter 7, février 2024
Journées plénières d’automne

La réunion plénière d’automne s’est tenue du 27 au 30 novembre 2023 à Sète et a réuni 70 participants.

Les contributions orales ont été organisées autour des thèmes suivants : Formulation et structuration multi-échelles, Réponses à une sollicitation, Procédés de transformation, Matière stimulable, Transport et diffusion. Une matinée a été dédiée à la thématique « Matière molle et développement durable ». La session incluait deux conférences invitées de Marie Le Merrer (chercheuse à Institut Lumière-Matière à Lyon) sur des mousses minérales, et de Ivar Ekeland (pro- fesseur émérite à l’Université Paris-Dauphine) sur le dérèglement climatique, ainsi qu’un exposé de Pascal Hervé de l’entreprise Solvay sur le développement durable dans l’industrie chimique. S’en est suivie une table ronde passionnée et passionnante sur différents aspects, scientifiques, politiques et économiques du développement durable. Le conseil scientifique de SLAMM réfléchit maintenant à la manière de prolonger ces réflexions tout en se centrant sur des pro- blématiques scientifiques.

Comme à son habitude, la session « posters animés » organisée par Saïd Bouhallab a été suivie avec enthousiasme. Enfin, inspiré par le GDR Dumbio, nous nous sommes essayés à une séance de science dating. Elle constitue une occasion rare pour les jeunes et moins jeunes d’interagir avec les pairs dans des échanges privilégiés, autour de ques- tions scientifiques spécifiques parfois très pointues, voire d’initier une collaboration ! Cette session a eu un franc succès et nous envisageons de renouveler l’expérience à l’automne prochain.

Newsletter 7, février 2024
Recension d’un nouveau livre

Les cristaux-liquides sont des substances présentant des états de la matière entre le solide cristallin et le liquide usuel qui se caractérisent par les organisations spécifiques de leurs constituants : molécules, polymères, nanoparticules…. Leurs structures sont le plus souvent étudiées par diffusion de rayons X, ce qui fait l’objet de cet ouvrage qui s’adresse aux scien- tifiques concernés par les systèmes partiellement désordonnés regroupés sous le terme de

« matière molle ». Le premier tome présente une introduction au sujet, puis un chapitre rap- pelant les connaissances de base en diffusion de rayonnement, ainsi qu’un autre dressant un panorama des états cristaux-liquides et de leurs clichés de diffusion. Une seconde partie décrit beaucoup plus en détail, outre l’état liquide usuel, l’état cristal-liquide nématique. Le second tome est consacré aux cristaux liquides smectiques, colonnaires et aux réseaux tridi- mensionnels de défauts (cristaux d’interfaces et réseaux spécifiques des molécules chirales). Enfin, une annexe récapitule l’identification par diffusion des rayons X des nombreuses struc- tures des cristaux-liquides et une autre en propose une classification uniquement basée sur les propriétés de symétrie.

La diffraction des rayons X par les cristaux liquides
Anne-Marie Levelut, Patrick Davidson, Alan Braslau
CNRS Editions / EDP Sciences (Savoirs Actuels, 2023)

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Succès d’une nouvelle proposition de BAG au Synchrotron Soleil

Succès d’une nouvelle proposition, déposée en Septembre 2023 au nom du GDR, pour un BAG (Block Allocation Group) sur la ligne SWING au Synchrotron Soleil. La proposition est intitulée “Soft Matter applications: multi-scale and shear-induced structural studies of nano- composites, colloidal complexes, gels and lipid assemblies“, et comprend 5 sous-proposals : Biogels, Hybrid organic/inorganic materials, Lipids assemblies, Biosourced blocks assembly, Soft matter under shear. Le coordinateur est François Boué (LLB-CNRS-CEA, Uni. Paris- Saclay). Trois sessions d’un jour de temps de faisceau (9 shifts de 8h) nous sont attribués pour 2024. Grâce à ce BAG, ~25 personnes, issues de 19 laboratoires de SLAMM, vont pouvoir réaliser des expériences de diffusion de rayons X aux petits angles en 2024.

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Hommage à Hélène Montes

Hélène Montes, après une école d’ingénieur à Grenoble, a soutenu sa thèse de doctorat en Sciences et génie des matériaux en 1994 sous la direction de Jean-Yves Cavaillé, sur la mobilité moléculaire dans la phase amorphe de la cellulose. Elle a ensuite effectué un post- doc avec Jean–Pierre Cohen Addad, sur la mesure de mobilité de chaines de polymères dans les réseaux élastomères par RMN, puis un second avec Dieter Richter à Jülich en Alle- magne. Elle a ensuite été embauchée en 1996 pour rejoindre le groupe de Lucien Monnerie comme maitre de conférence à l’ESPCI où elle s’est intéressée aux propriétés mécaniques des polymèresamorphes et des élastomères renforcés. Professeure à l’ESPCI depuis 2012, Hélène menait ses recherches sur les relations entre les propriétés physico-chimique des polymères solides et leurs propriétés mécaniques au laboratoire SIMM. Utilisant des sys- tèmes qu’elle synthétisait elle-même, elle cherchait à en rationaliser la réponse dynamique à partir de leur structure, à travers des modélisations physiques originales. Pour comprendre la mécanique des polymères vitreux, elle n’avait pas hésité à se former récemment à la résolution par éléments finis des propriétés mécaniques des systèmes désordonnés. Par ailleurs, en combinant astucieusement études RMN, diffusion des neutrons et mesures des propriétés thermo-mécaniques elle a mis en évidence l’existence de ponts vitreux dans les élastomères chargés, découverte importante pour la communauté. Elle savait aussi s’occuper de façon très humaine et pédagogique des étudiants avec lesquels elle travaillait, les formant en profondeur aux techniques de RMN, de diffusion des neutrons, et à de délicates mesures mécaniques. Ces mêmes qualités d’écoute et d’accompagnement avaient été particulièrement appréciées lorsqu’Hélène a pris en charge la Direction des Etudes de l’ESPCI entre 2009 et 2014 où elle a notamment obtenu pour les élèves le financement de bourses d’études – bourses Joliot et bourses de chaires indus- trielles, et accompagné les élèves étrangers lorsque l’ESPCI a ouvert ses admissions à l’international.

Elle a également exercé un long mandat au comité national (section 11) du CNRS où son investissement fort au profit de la communauté a été apprécié de tous ses collègues. Tous ceux qui l’ont connue ont pu apprécier sa droiture, sa pudeur, sa gaité, sa profonde générosité, et ses grandes qualités scientifiques et humaines.

Newsletter 7, février 2024
Structure SANS d’une hémicellulose majeure : l’Arabinoxylane

– A. Spectre de diffusion de neutrons aux petits angles d’une solution d’arabinoxylane à 135 g.L-1 : le spectre fait apparaitre différents régimes, dont chacun correspond à un comportement et/ou une longueur caractéristique du polymère. B. Représentation schématique du polymère en solution : l’arabinoxylane est assimilable à une chaine semi-rigide de type ‘worm-like’, de longueur de persistance (lp) et taille de section effective (2Rc) –

La cellulose et les hémicelluloses, constituants principaux de la biomasse végétale terrestre, sont une alternative incontournable au carbone fossile pour la production de biocarburants, matériaux et composés chimiques à haute valeur ajoutée. L’Arabinoxylane (AX) est une hémicellulose particulièrement prometteuse car pouvant être extraite en grande quantité (du blé, du seigle), et sous une forme soluble dans l’eau et donc facilement manipulable dans les procédés industriels.

Un prérequis essentiel à la valorisation de l’AX est la connaissance de son comportement et de sa structure en solution aqueuse. Les données de la littérature sur ce point étant jusqu’alors parcellaires voire contradictoires, nous avons entrepris de caractériser de façon exhaustive un AX générique extrait du blé, en combinant SANS (diffusion de neutrons aux petits angles), SEC-MALS (diffusion de lumière statique couplée à de la chromatographie de taille) et mesures de viscosité. Le premier résultat marquant est qu’il n’est pas possible de se défaire totalement des phénomènes d’auto-association de ce type de polysaccharide ; si bien qu’il persiste une faible proportion de ‘gros objets’ en solution, caractérisée par la remontée du signal SANS aux petits vecteurs d’onde q (Figure A). Ces objets sont très probablement dynamiques et se font et défont de manière spontanée en solution. Dans un second temps, l’observation minutieuse et la modélisation des intensités SANS à moyens et grands q nous indiquent que l’essentiel de l’AX se comporte comme des chaines de polymère ‘classiques’ en bon solvant. Les chaines sont de type ‘worm-like’ (WLC model), aux propriétés (longueurs de persistance, section effective) parfaitement mesurables et typiques d’un polymère semi-rigide (Figure B).

De façon moins conventionnelle, nous avons également suivi l’évolution du spectre SANS à mesure que la solution d’AX est concentrée par stress osmotique, jusqu’à des concentrations atteignant 40x la concentration d’overlap C*, elle-même déterminée à environ 3,5 g.L-1 par viscosimétrie. Au-delà de C*, nous observons en particulier que le changement de longueur de corrélation ξ, équivalente à une ‘taille de pore’ du système, varie avec la concentration de la manière prédite par la loi d’échelle théorique pour un polymère en bon solvant. Une telle confrontation avec la théorie est, à notre connaissance, parfaitement inédite dans le cas de polysaccharides semi-rigides comme l’AX.

Arabinoxylan in Water through SANS: Single-Chain Conformation, Chain Overlap, and Clustering
M. Petermann, L. Dianteill, A. Zeidi, R. Vaha Ouloassekpa, P. Budisavljevic, C. Le Men, C. Montanier, P. Roblin, B.Cabane, R. Schweins, C. Dumon, A. Bouchoux
Biomacromolecules, vol.24, 3619–3628, 2023
https://doi.org/10.1021/acs.biomac.3c00374

Newsletter 7, février 2024
Organisation orthotrope de suspensions nanocristaux de cellulose, obtenue par l’action combinée de l’ultrafiltration frontale et d’ondes ultrasonores, caractérisée par SAXS in situ

–  Structuration orthotrope de suspensions de nanocristaux de cellulose, imitant l’organisation du cartilage articulaire, révélée par SAXS in-situ, lors de la mise en œuvre par un procédé combinant l’ultrafiltration frontale à des ultrasons de bases fréquences à 20 kHz –

Les nanocristaux de cellulose (CNC) sont des nanoparticules cristallines particulièrement intéressantes pour le développement de nouveaux matériaux biosourcés avec des propriétés mécaniques, optiques (iridescence) ou barrières (à l’oxygène ou à l’eau) améliorées. Un défi important pour atteindre ces propriétés fonctionnelles spécifiques est de contrôler l’orientation et l’organisation des nanocristaux au cours de leur mise en œuvre, sur des domaines étendus et avec des champs externes contrôlés avec la meilleure efficacité possible.

Récemment, nous avons pu démontrer la capacité du procédé d’ultrafiltration à générer des structures avec des orientations uniformes des CNC sur plusieurs dizaines de micromètres. Par ailleurs, nous avons découvert qu’en utilisant des ondes ultrasonores, il était possible d’aligner les CNC le long de la direction de propagation des ondes acoustiques.

Dans ce travail, une cellule de type canal parallélépipédique (FU/US SAXS Cell), dédiée à l’observation in-situ par SAXS sur la ligne de lumière ID02-TRUSAXS de l’ESRF, a permis d’appliquer simultanément une force acoustique verticale induite par les ultrasons en haut du canal et simultanément une force de pression transmembranaire en bas du canal près de la surface membranaire. Cet équipement a permis de révéler pour la première fois, une structuration orthotrope des CNC, qui imite l’organisation du cartilage articulaire : une première couche composée de CNC dont le directeur est aligné parallèlement à la surface horizontale de la membrane, une deuxième couche isotrope intermédiaire, et une troisième couche de CNC dont le directeur est orienté verticalement selon la direction de propagation des ondes ultrasonores (Figure 1).

Nous avons interprété nos observations, en particulier les échelles de longueur et de temps impliquées dans l’alignement des CNC le long de la direction de propagation des ondes ultrasonores, en termes de streaming acoustique de Rayleigh, initié par l’atténuation visqueuse des ondes acoustiques générées par la lame vibrante. Ces résultats ouvrent la voie au développement de nouveaux biomatériaux orthotropes avec des organisations cellulosiques structurées ajustables pour des applications en ingénierie tissulaire ou en photonique.

Orthotropic organization of a cellulose nanocrystal suspension realized via the combined action of frontal ultrafiltration and ultrasound as revealed by in situ SAXS
F. Pignon, E. Guilbert, S. Mandin, N. Hengl, M. Karrouch, B. Jean, J.L. Putaux, T. Gibaud, S. Manneville, T. Narayanan
Journal of Colloid and Interface Science, vol.659, 914-925 , 2024
https://doi.org/10.1016/j.jcis.2023.12.164

Newsletter 7, février 2024
Interview de Laurence Talini

Laurence Talini est directrice de recherche au CNRS à l’unité mixte Saint Gobain.

. Quelle est votre formation et votre parcours scientifique ?

Mes études se sont terminées par un DEA (master 2) en physique des liquides. J’ai ensuite fait une thèse au laboratoire Physico-Chimie Curie sur des mouvements dirigés obtenus sans appliquer de force macroscopique (par exemple en rectifiant un mouvement brownien) à l’échelle colloïdale mais aussi macroscopique. Après un an (comme c’était courant à l’époque…) d’ATER au laboratoire de Physique des solides sur des phases cristal liquide formées par des molécules chirales, j’ai été recrutée comme maître de conférences au laboratoire Fluides, Automatique et Systèmes Thermiques à Orsay. Pour l’anecdote, deux membres éminents du GdR, Ludovic Pauchard et Frédérique Giorgiutti, ont été recrutés la même année dans le même laboratoire! Au FAST, j’ai travaillé sur des problèmes de sédi-
mentation dans les fluides complexes. Une dizaine d’années plus tard, j’ai rejoint le laboratoire Sciences et Ingénierie de la Matière Molle à l’ESPCI, où je me suis intéressée à des phénomènes se produisant aux interfaces dans des systèmes de la matière molle : écoulements dus aux fluctuations thermiques, mouillage, séchage… Depuis 2019, je continue à tra- vailler sur des problèmes de transferts aux interfaces au sein d’une unité mixte du CNRS avec Saint-Gobain, le laboratoire Surface du Verre et Interfaces, où j’ai été recrutée en tant que directrice de recherche CNRS.

. Quels sont les outils des sciences de la ‘matière molle’ que vous utilisez pour vos recherches passées et actuelles basé sur theorie-lois d’échelles et experiences ?

Expérimentalement, j’utilise beaucoup de méthodes optiques : visualisation directe dans le visible ou l’infra-rouge, interférométrie (mesures d’épaisseur), réflectométrie (mesures de pente d’une interface)… Ces dernières années, je me suis souvent intéressée à des problèmes mettant en jeu des écoulements dans des films minces, que ce soit dans les films liquides entre les bulles d’une mousse ou dans des films étalés sur un substrat solide. Les variations d’épais- seur de tous ces films sont décrites par l’équation des films minces avec éventuellement des termes additionnels dus à des effets Marangoni, une vitesse d’évaporation, des forces intermoléculaires. Cette équation différentielle avec une
dérivée 4ème donne du fil à retordre car ses résultats sont peu intuitifs.
De façon générale, travailler successivement dans des laboratoires ayant des thématiques générales différentes et donc utilisant des outils très différents, a été extrêmement enrichissant.

. En quoi vos liens avec l’unité mixte Saint Gobain ont-ils influencé vos recherches ? Que voyez-vous comme intérêt principal à dans vos recherches conjointes à une unité mixte CNRS et industrie ?

Le principal intérêt d’une unité mixte est la proximité des activités de recherche industrielle, qui constituent une source d’inspiration de questions scientifiques. Par exemple, le sujet de thèse de Gabrielle Di Mauro est né d’une discussion avec des ingénieurs Saint-Gobain, intrigués par l’étendue importante des gradients d’épaisseur produits par le dépôt d’une poussière lors du séchage d’un film liquide sur un substrat, étendue qui, sur le film sec, peut atteindre dix fois la taille de la poussière elle-même. Dans ses expériences, Gabrielle saupoudre des billes de verre, qui constituent des poussières modèles, sur la surface de films de solution polymère dont le solvant s’évapore. Ses résultats ont permis de comprendre que le profil d’épaisseur du film sec est déterminé par le couplage du séchage et de l’écoulement induit dans le film liquide par l’ascension capillaire sur les billes, et ils vont donner des outils aux ingénieurs pour mieux mini- miser les défauts sur les revêtements.

. En quoi vous semble-t-il important de participer à un GdR comme SLAMM: pour vous comme pour les cher- cheurs de la jeune génération, doctorants et post-doctorants ?

Les réunions du SLAMM permettent de retrouver la communauté matière molle dans un cadre (par ailleurs toujours agréable) qui facilite les discussions. Je pense que ces rendez-vous sont enrichissants pour toutes les générations, en particulier parce que la palette des sujets abordés est vaste et la communauté très dynamique.

Newsletter 6, septembre 2023
Un nouveau GDR : le GDR SoPHy

La mission du GDR Soft Physics for Hard Materials (SoPHy) est de rassembler la communauté française impliquée dans l’étude des matériaux durs obtenus à partir de précurseurs mous. C’est le cas de très nombreux matériaux tels que le ciment, les supports poreux pour la catalyse ou encore des matériaux d’inspiration ou d’origine biologiques tels que les composites à base de collagène mettant en jeu des processus de biominéralisation. Ce GDR couvre toutes les étapes de synthèse et d’obtention de matériaux durs et examinera la possibilité de jouer sur les propriétés structurales, mécaniques ou fonctionnelles de ces précurseurs pour mieux contrôler leurs propriétés finales à l’état durci.

Pour en savoir plus : https://www.sophy.cnrs.fr

Newsletter 6, septembre 2023
Hommage à Anne-Marie Levelut

Chers collègues,

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès d’Anne-Marie Levelut à l’âge de 86 ans. Nos pensées vont d’abord à sa famille et à ses proches.

Anne-Marie a joué un rôle immense pour nombre d’entre nous et nous sommes profondément affligés par cette nouvelle.

Ancienne élève d’André Guinier, Anne-Marie Levelut fut l’un des piliers de l’équipe de diffusion des rayons X, depuis la fondation du Laboratoire de Physique des Solides (LPS) jusqu’à son départ à la retraite en 2001.

Elève-ingénieure de l’ESPCI, elle rejoignit le laboratoire au début des années 1960 pour y préparer sa thèse d’état sur la diffusion des rayons X aux petits angles. Elle y initia ensuite les premières études structurales de la « matière molle ». En collaboration avec de nombreux chimistes, elle révolutionna la relation entre la structure moléculaire et l’organisation des phases cristal-liquides en dépassant la vision simpliste des molécules en forme de bâtonnets par l’introduction de formes et de propriétés variées : molécules discoïdes, coniques, polaires, composés ioniques, à transfert de charges, organométalliques, polymères cristaux liquides, assemblages supramoléculaires … Au-delà de cette variété, elle a classifié toutes les phases cristal-liquides en précisant rigoureusement leurs propriétés de symétrie.

En récompense de la qualité de ses travaux, elle a reçu le prix Félix Robin de la SFP en 1998. Après avoir quitté le laboratoire, elle a consacré son temps à sa famille, aux randonnées en montagne qu’elle affectionnait tout particulièrement, mais aussi à la rédaction d’un ouvrage de référence sur les phases cristal-liquides chères à son cœur, ouvrage qu’elle a pu achever il y a quelques mois, malgré une santé devenue fragile.

Tous ceux qui l’ont connue peuvent témoigner qu’Anne-Marie possédait une intuition exceptionnelle de l’organisation de la matière molle à l’échelle moléculaire, une maitrise proverbiale de l’espace réciproque et un talent hors-pair d’expérimentatrice. Elle a formé de nombreux thésards dont plusieurs ont poursuivi une carrière académique et beaucoup de visiteurs et chercheurs post-doctoraux étrangers sont venus de loin pour bénéficier de son enseignement.

Au delà d’un premier abord réservé, c’était une personne passionnée qui nous laisse un héritage scientifique remarquable.

 Marianne Impéror et Patrick Davidson