Laurence Talini est directrice de recherche au CNRS à l’unité mixte Saint Gobain.
. Quelle est votre formation et votre parcours scientifique ?
Mes études se sont terminées par un DEA (master 2) en physique des liquides. J’ai ensuite fait une thèse au laboratoire Physico-Chimie Curie sur des mouvements dirigés obtenus sans appliquer de force macroscopique (par exemple en rectifiant un mouvement brownien) à l’échelle colloïdale mais aussi macroscopique. Après un an (comme c’était courant à l’époque…) d’ATER au laboratoire de Physique des solides sur des phases cristal liquide formées par des molécules chirales, j’ai été recrutée comme maître de conférences au laboratoire Fluides, Automatique et Systèmes Thermiques à Orsay. Pour l’anecdote, deux membres éminents du GdR, Ludovic Pauchard et Frédérique Giorgiutti, ont été recrutés la même année dans le même laboratoire! Au FAST, j’ai travaillé sur des problèmes de sédi-
mentation dans les fluides complexes. Une dizaine d’années plus tard, j’ai rejoint le laboratoire Sciences et Ingénierie de la Matière Molle à l’ESPCI, où je me suis intéressée à des phénomènes se produisant aux interfaces dans des systèmes de la matière molle : écoulements dus aux fluctuations thermiques, mouillage, séchage… Depuis 2019, je continue à tra- vailler sur des problèmes de transferts aux interfaces au sein d’une unité mixte du CNRS avec Saint-Gobain, le laboratoire Surface du Verre et Interfaces, où j’ai été recrutée en tant que directrice de recherche CNRS.
. Quels sont les outils des sciences de la ‘matière molle’ que vous utilisez pour vos recherches passées et actuelles basé sur theorie-lois d’échelles et experiences ?
Expérimentalement, j’utilise beaucoup de méthodes optiques : visualisation directe dans le visible ou l’infra-rouge, interférométrie (mesures d’épaisseur), réflectométrie (mesures de pente d’une interface)… Ces dernières années, je me suis souvent intéressée à des problèmes mettant en jeu des écoulements dans des films minces, que ce soit dans les films liquides entre les bulles d’une mousse ou dans des films étalés sur un substrat solide. Les variations d’épais- seur de tous ces films sont décrites par l’équation des films minces avec éventuellement des termes additionnels dus à des effets Marangoni, une vitesse d’évaporation, des forces intermoléculaires. Cette équation différentielle avec une
dérivée 4ème donne du fil à retordre car ses résultats sont peu intuitifs.
De façon générale, travailler successivement dans des laboratoires ayant des thématiques générales différentes et donc utilisant des outils très différents, a été extrêmement enrichissant.
. En quoi vos liens avec l’unité mixte Saint Gobain ont-ils influencé vos recherches ? Que voyez-vous comme intérêt principal à dans vos recherches conjointes à une unité mixte CNRS et industrie ?
Le principal intérêt d’une unité mixte est la proximité des activités de recherche industrielle, qui constituent une source d’inspiration de questions scientifiques. Par exemple, le sujet de thèse de Gabrielle Di Mauro est né d’une discussion avec des ingénieurs Saint-Gobain, intrigués par l’étendue importante des gradients d’épaisseur produits par le dépôt d’une poussière lors du séchage d’un film liquide sur un substrat, étendue qui, sur le film sec, peut atteindre dix fois la taille de la poussière elle-même. Dans ses expériences, Gabrielle saupoudre des billes de verre, qui constituent des poussières modèles, sur la surface de films de solution polymère dont le solvant s’évapore. Ses résultats ont permis de comprendre que le profil d’épaisseur du film sec est déterminé par le couplage du séchage et de l’écoulement induit dans le film liquide par l’ascension capillaire sur les billes, et ils vont donner des outils aux ingénieurs pour mieux mini- miser les défauts sur les revêtements.
. En quoi vous semble-t-il important de participer à un GdR comme SLAMM: pour vous comme pour les cher- cheurs de la jeune génération, doctorants et post-doctorants ?
Les réunions du SLAMM permettent de retrouver la communauté matière molle dans un cadre (par ailleurs toujours agréable) qui facilite les discussions. Je pense que ces rendez-vous sont enrichissants pour toutes les générations, en particulier parce que la palette des sujets abordés est vaste et la communauté très dynamique.